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"L’art indien de rester simple et efficace" par Hriday BHARDWAJ (promo 2026)

Vie des Alumni (accès libre)

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14/04/2025

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Est-ce que vous procrastinez souvent ? Ou êtes-vous peut être bloqué sur un projet ? Vous avez besoin d’un petit coup de pouce pour être plus efficace sans trop vous fatiguer ?

Petit test avant de commencer l’article : avez-vous déjà “réparé” un câble de chargeur avec du ruban adhésif et un vieux fil trouvé au fond d’un tiroir ? Ou peut-être avez-vous improvisé un support d’ordinateur portable avec trois bouquins au lieu d’acheter un accessoire hors de prix ? Si oui, félicitations, vous avez fait du jugaad sans même le savoir !

Le jugaad, c’est un mot hindi qui désigne une approche ingénieuse et pragmatique de la résolution de problèmes. C’est l’art de bidouiller des solutions efficaces avec les moyens du bord, souvent de manière improvisée. C’est un concept tellement répandu dans le pays que, lorsque les entreprises européennes ou américaines veulent étendre leur marché à l’Inde, elles doivent prendre en compte les concurrents indiens : les pratiquants du jugaad.

En Inde, où les ressources peuvent être limitées (on parle quand même de 1,4 milliard de personnes, soit un humain sur huit dans le monde, réunies dans un seul pays), la philosophie de “se démerder avec ce qu’on a” est une véritable compétence de vie, que ce soit chez les ingénieurs, les artisans ou même le vendeur de fruits du marché dominical qui répare sa balance avec un bout de ficelle et un élastique. Petite parenthèse essentielle pour mes camarades de Think International : le jugaad est un mot hindi, et non un mot “indien” — Leçon express pour ceux qui n’ont malheureusement jamais eu l’occasion de connaître cette information : La langue “indienne” n’existe pas. L’Inde, c’est plus de 100 langues totalement distinctes (non, ce ne sont pas seulement des dialectes). Donc, il vaut mieux éviter demander à une personne indienne si elle parle “indien”, elle risquerait d'ajouter du piment en douce dans votre déjeuner ;).

Un exemple intéressant qui a choqué le monde en 2014 : la mission Mangalyaan, qui a envoyé une sonde indienne en orbite autour de Mars. Son budget ? 74 millions de dollars. Ça vous semble énorme ? Le film Gravity a coûté 100 millions de dollars. Donc, on peut conclure qu’envoyer une vraie sonde sur Mars coute moins cher que voir Sandra Bullock tourner en rond dans l’espace. Comment ? Grâce au jugaad : réduction des coûts, optimisation des ressources, et une bonne dose de “on va faire simple et efficace” (oui, les flemmards, cet article est pour vous).

Mais le jugaad ne se limite pas qu’aux missions spatiales. Dans les villages indiens, certains agriculteurs transforment de vieux scooters en pompes à eau pour irriguer leurs champs. D’autres réparent leurs radios avec des pièces récupérées, ou construisent des réfrigérateurs en argile qui fonctionnent sans électricité. Des solutions simples, économiques et adaptées aux contraintes locales.

“Oui d’accord Hriday, me direz-vous, mais moi je suis en école d’ingé en France, pas dans un village reculé en Inde”. Justement. L’école vous apprend à suivre des protocoles précis, à respecter des cahiers des charges ultra-rigoureux et à chercher l’optimisation parfaite. C’est évidemment une bonne chose (ne venez pas me dire que j’encourage à bricoler des résultats ou des manips lors de vos TP. Faites bien vos alignements de lasers sans mettre votre œil dans le faisceau), mais parfois, être trop rigide bloque l’innovation. Vous êtes-vous déjà retrouvé coincé sur un projet juste parce que vous n’aviez pas “le bon matériel” ?

L’innovation ne vient pas toujours d’une analyse détaillée ou d’un budget illimité. Parfois, elle naît d’une contrainte. Steve Jobs l’avait compris lorsqu’il a conçu le premier Macintosh avec un budget limité et une équipe restreinte. Elon Musk applique une logique similaire avec SpaceX, en trouvant des moyens plus économiques d’envoyer des fusées dans l’espace. Tout au long de son histoire, l’humanité a su innover pour faire face aux contraintes et au manque de ressources, et c’est précisément ce principe que l’on appelle le jugaad.

Ainsi, ce n’est pas seulement une stratégie d’entrepreneur ou d’ingénieur, c’est un état d’esprit du quotidien en Inde. Bien sûr, il a ses limites (ne construisez pas un pont avec du ruban adhésif). Mais il enseigne une chose précieuse : l’adaptabilité. Un atout indispensable pour un ingénieur.

Alors, la prochaine fois que vous avez des difficultés sur un projet, posez-vous la question : “Et si je faisais un peu de jugaad ?” Peut-être que la solution la plus simple et efficace est sous vos yeux. Sinon, contre un pain au chocolat à la cafétéria, je peux peut-être vous filer un coup de main ;).


Article paru dans le journal  des élèves "Le Paraxial" d'avril 2025

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